vendredi 28 octobre 2011

Confucius, un rabbin sans dieu, ni maîtres.

Il y a des grands hommes qui naissent ou survivent par miracle, et il y a des grands hommes qui naissent par nécessité, Ainsi, Jésus est né d'une vierge, Moïse fut miraculeusement sauvé des eaux du Nil et Confucius est né parce que son père ne pouvait se faire à l'idée de mourir sans laisser derrière lui un garçon.
N'ayant eu que des filles, 9 au total, d'un premier mariage, et un fils infirme avec une femme de second rang, le père de Confucius ne pouvait se résoudre à quitter ce monde sans laisser derrière lui un rejeton mâle, normalement constitué qui puisse après lui perpétuer le culte des ancêtres. En effet, comme dans la religion juive, un homme souffrant d'un défaut physique (moum) était considéré comme inapte à servir au Temple de Jérusalem; de même le culte des ancêtres supposait une intégrité physique. Il épousa donc à 71 ans une toute jeune fille qui en avait 15. Même dans la société chinoise, pourtant permissive, une telle différence d'âge était considérée comme indécente, mais la fille était consentante et le vieillard encore suffisamment vert.
Ayant tout de même quelques doutes de pouvoir enfanter, compte tenu de l'âge avancé de son mari, Tcheng-Tsai alla prier en secret dans un temple situé sur le mont Ni-Kieu. Cette nuit là, sur la montagne, elle vit en rêve le Seigneur Noir, qui est aussi appelé le Seigneur des eaux. Il lui dit: « Vous donnerez le jour à un fils, un sage, que vous déposerez dans un mûrier creux ». La légende qui entoure la naissance de Confucius est très poétique; elle fait intervenir une licorne, des dragons, des esprits féminins qui arrosent de parfums la grotte où va naître le bébé, de sources d’eaux chaudes pour laver le petit corps. Légende ou réalité, peu importe; il y a quelque chose de certain dans tout cela dans la mesure où le nom chinois de Confucius, Kong signifie « creux », comme le mûrier. Au moment de l'enfantement, la légende nous dit qu'une voix céleste dit à la mère: « le Ciel ému par vos prières vous a donné un fils saint ».
Cette prière au Ciel d'une femme qui souhaite donner naissance à un enfant mâle alors que les conditions objectives sont problématiques, me fait penser à Hana, épouse sans enfant d'Elkana. La Haftara (passage de la Bible situé chez les Hagiographes et les Prophètes) que l'on lit à Roch Hachana, nous raconte que Hana se rend à Chilo, là où se tenait le Sanctuaire, avant que le roi Salomon n'y construise le Temple, pour prier D. afin d'avoir un enfant. En fait, comme Tcheng- Tsai, elle grimpe sur une montagne - parce que ce genre de prière ne se prononce ni dans un endroit creux, ni même dans la plaine - et épanche son cœur en pleurant d'abondance. Au point que le Grand Prêtre Eli qui siégeait à Chilo pensa d'abord qu'elle était saoule.

Finalement Eli comprit son erreur et bénit Hana pour que Dieu exauce sa requête. La même année Hanna donna naissance à un fils qu’elle nomma Samuel (D. m'a entendu) Quand elle l’eut sevré, elle accomplit son vœu de le consacrer à l'Eternel et Shmouël devint l’un des plus grands prophètes d’Israël.
Les deux histoires sont si belles que leur degré de véracité n'a guère d'importance. Ce qui compte, c'est l'arrivée parmi les hommes de deux personnages considérables qui naissent parce que leurs pères ou mères l'ont voulu absolument, pressentant que leur rejeton sera un homme d'exception dont l'humanité ne pourra se passer.

Une autre similitude entre Shmouël et Kong réside précisément dans le choix du nom par la mère. Le Seigneur Noir annonce à Tcheng-Tsaï que son fils naîtra dans ce qui ressemble à un mûrier creux; et elle appelle son enfant « Creux ». Hana, dans la grande tradition biblique nomme son fils "Dieu a entendu", comme Agar nommera son fils Ismaël, « Dieu entendra ».

Cette histoire de mari âgé me fait également penser à Sarah qui eut l'outrecuidance de s'esclaffer lorsque Dieu lui annonça qu'elle donnerait naissance à un enfant, compte tenu de l'âge d'Abraham et du sien.

Quant à la physionomie de Confucius, les avis divergent. Certains prétendent qu'il avait le crâne aplati en son milieu et légèrement relevé sur les bords; ce qui correspond à la topographie de la colline sur laquelle sa mère est allée prier; Kieou désignant un tertre creux. Les deux légères protubérances des deux cotés de la tête ont fait pensé à certains que Confucius avait deux cornes, un peu comme Moïse; du moins tel qu'il est représenté dans certains tableaux et gravures fort peu cacher - le mot kérén en hébreu signifiant aussi bien « corne » que « rayon de lumière », kérén or . D'autres disent qu'il avait le front haut et un peu bosselé. Quoi qu'il en soit, c'était un grand gaillard costaud qui dépassait par la taille la grande majorité de ses concitoyens. Il n'avait rien d'un personnage ascétique; ses contemporains prétendent même qu'il était même un peu gourmet; ce qui peut laisser penser qu'il était carrément gourmand. Donc, rien avoir avec un moine bouddhiste efflanqué et malingre, adepte des jeûnes et des privations. Enfant pauvre mais descendant de d'une grande dynastie, il put suivre un cursus scolaire classique et fut rapidement nommé intendant des greniers publics puis surveillant des pieux auxquels on attachait les bœufs et les moutons voués au sacrifice. Une sorte d'expert comptable ou d'Inspecteur des finances. Et, à l'âge de 22 ans, comme Rashi de Troyes, il ouvrit sa propre école. On pourrait aussi dire son Collel ou sa Yéshiva. Il enseignait l'histoire, les Actes des Rois, dans le Livre des Documents, la chronique de son pays. En fait son étude portait sur les traditions reçues de l'Antiquité. Confucius soutenait qu'il n'innovait pas et ne faisait que transmettre. En hébreu cela s'appelle la Cabala, dans l'acceptation littérale du terme; à savoir réception et transmission de ce que l'on a reçu de ses maîtres. Chez les juifs, il est malséant de ne pas citer les maîtres de qui on a appris telle ou telle chose.

Les jeunes nobles chinois qui suivaient son enseignement à l'instar des étudiants qui vont étudier chez un Rabbi se méfiaient des innovateurs ; ce qui leur importait c'est de se voir transmettre la sagesse accumulée la plus pure. Les Chinois désiraient recevoir la sagesse des Anciens rois à laquelle Confucius se réfère sans cesse. « Je transmets et n'innove pas (VII 1). Les talmudistes étudient la Loi orale transmise de Rabbi à Rabbi et ce, depuis Moïse qui l'a reçue au Mont Sinaï.

Vrai ou faux, la modestie excessive de Confucius me semble légèrement suspecte. Il devait quand même innover quelque peu, sinon il n'aurait pas connu ce succès considérable, et de son vivant, qui plus est. Charisme certainement, intelligence sans aucun doute, mais aussi un grain de prophétie ou du moins une croyance dans sa mission de transmetteur; de cabaliste: « Le Ciel se sert de votre Maître comme d’une cloche à battant de bois pour avertir le peuple (L.Y III 23). Le problème c'est que le mot Cabala s'est transformé, et, oserais-je dire s'est dénaturé au fil des siècles. Je vous conseille de lire le Livre « La Cabale » du Grand Rabbin Alexandre Safran Zal, ancien grand rabbin de Roumanie et grand rabbin de Genève (Payot, 1988). Certains d'entre vous seraient bien déçus, car sur des centaines de pages le Rabbin Safran n'aborde que très exceptionnellement la Cabale ésotérique, si à la mode de nos jours.
Comme dans le Pirqei Avot, ce qui compte, c'est l'enseignement reçu et transmis, accompagné de la touche personnelle de chaque rabbin faisant partie de la chaîne, qui n'innove pas, mais insiste sur ce qui lui paraît fondamental.

Là où Confucius se distingue des rabbins, c'est dans le mystère qui entoure ses maîtres. Se référer sans cesse aux Anciens Rois, c'est très bien mais n'importe quel érudit chinois d'envergure aurait pu en faire autant et se réclamer des mêmes rois et des mêmes manuscrits anciens. Pourquoi Confucius a émergé du lot des Lettrés chinois qui ont reçu le même enseignement que lui, et pourquoi est-ce sa Torah, son enseignement, qui a traversé les millénaires? Et ceci est d'autant plus étonnant qu'il s'agit d'un enseignement clair, qui fait appel à la raison et au cœur et non d'un enseignement abscons et ésotérique à qui l'on peut faire dire une chose et son contraire. Jetez un coup d'œil sur les rayonnages de vos librairies préférées; elles abondent d'ouvrages respectables sur le Tao, le Bouddhisme, le Dalaï Lama, le Yoga, la Cabale, version juive, chrétienne ou arabe, le Soufisme, l'ésotérisme en tous genres, la Gnose, les Evangiles apocryphes, et j'en passe. Et cherchez un ouvrage documenté et sérieux sur Confucius. Bon courage!

Le destin de Confucius apparaît à sa mère, largement enceinte dans son sommeil, par un animal disposant d'une seule corne au milieu du front et couvert d'écailles comme un dragon: une licorne chinoise en quelque sorte. Il s'agit du Ki-Lin, précise à sa femme le père de Confucius. L'animal s'agenouille devant Tcheng-Tsai et vomit une pièce de jade sur laquelle il est écrit: « Un enfant né de l'essence de l'eau succédera à la dynastie décadente des Tcheou comme un roi sans couronne ». Heureusement pour nous car un roi est éphémère et ne règne que sur un seul Etat; Confucius est là pour l 'éternité.

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